Source : Le Figaro
Par Steve Tenré,
Cette branche «sanguinaire» de Daech avait voulu frapper Strasbourg en 2022. D’autres pays d’Europe ont été ciblés.
Adolescent prévoyant une potentielle attaque contre un centre commercial lillois, Marseillais voulant cibler des «cibles juives» ou une «boîte de nuit LGBT», sexagénaire projetant un assaut contre une église… Depuis plusieurs mois, l’hydre islamiste multiplie les «loups solitaires» pour mener des tentatives d’attentats en France. La menace «endogène», fomentée depuis l’intérieur, constituait jusqu’à peu la principale source d’inquiétude des autorités françaises.
Mais ce lundi soir, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a pointé du doigt la «résurgence» de la menace «exogène» – celle venue d’ailleurs, portée par des radicalisés surarmés, passant outre les frontières de l’Hexagone. Aux origines de cette déclaration, le carnage provoqué par un commando de Daech vendredi soir à Moscou. Une branche particulière de l’organisation islamiste a revendiqué l’attaque, qui a fait au moins 139 morts : l’État islamique au Khorasan (EI-K).
Fondé en 2015 et considéré comme le groupe le «plus sanguinaire d’Afghanistan», d’après une note de l’Institut français des relations internationales (Ifri), l’EI-K est également la branche de Daech la plus «tournée vers l’international», selon Lucas Webber, cofondateur du site spécialisé Militant Wire. «Cette vision internationale inclut une campagne ambitieuse et agressive pour renforcer ses capacités opérationnelles extérieures et frapper ses différents ennemis à l’étranger», dans un contexte de rivalité avec les talibans.
Au moins deux actions en France
Parmi ses «ennemis», la France. Selon nos informations, l’EI-K a déjà tenté de frapper l’Hexagone, en 2022, peu avant le marché de Noël de Strasbourg. Le 18 novembre de cette même année, sept individus soupçonnés de préparer une action armée avaient été arrêtés dans la ville du Bas-Rhin par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Deux jeunes hommes radicalisés, âgés de 19 et 22 ans et originaires de Russie et du Tadjikistan, ont été mis en examen et placés en détention provisoire pour «association de malfaiteurs terroriste». Ils avaient été «téléguidés par l’EI-K», confie une source proche des renseignements. D’après des informations préliminaires, ils prévoyaient une attaque à cibles multiples, à l’instar du 13-Novembre.
L’EI-K s’est également probablement illustré lors de l’attaque au couteau d’Armand Rajabpour-Miyandoab, le 2 décembre dernier. Près du pont de Bir Hakeim, à Paris, l’assaillant djihadiste franco-russe de 27 ans, avait tué un touriste et blessé deux autres avec un couteau et un marteau. Il avait revendiqué son attaque dans une vidéo d’allégeance à l’EI, en faisant référence à la branche de Daech au Khorasan.
Suède, Allemagne, Autriche…
«Depuis 2020, l’EI-K a mené 10 projets d’attentat, dont 5 en Allemagne, les autres en Autriche, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède et en France», nous précise une source bien renseignée. D’après l’expert en terrorisme Jean-Charles Brisard, président du Centre d’Analyse du Terrorisme joint par Le Figaro, le dernier projet européen date du 19 mars dernier. Ce jour-là, deux hommes de nationalité afghane ont été arrêtés dans l’est de l’Allemagne. Ils projetaient de tuer des policiers et d’autres personnes à Stockholm, près du Parlement suédois, à l’aide d’armes à feu.
En Autriche, trois personnes soupçonnées d’«intervenir dans un réseau islamiste» ont été arrêtées en décembre dernier, préparant potentiellement une attaque contre des messes, à l’approche de Noël.
En juillet 2023, sept membres d’un groupe terroriste, en contact avec des membres de l’EI-K, avaient été arrêtés en raison de projets d’actions à «forte visibilité» en Allemagne, dans la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Ces personnes d’origine turkmène, kirghize et tadjike s’étaient procuré des armes avant leur interpellation. Arrivés dans le pays depuis l’Ukraine, ils collectaient aussi des fonds pour financer les réseaux islamistes à l’étranger.