Source : Le Parisien
Près d’une centaine d’enfants et d’adolescents de retour de Syrie et d’Irak sont suivis en France. Un travail aux résultats incertains mais primordial.
La mobilisation des familles de djihadistes pour obtenir le retour des enfants retenus en Syrie ne faiblit pas. Le 7 mai, François Hollande se prononçait pour le rapatriement « en urgence » des orphelins. Le lendemain, la ministre des Armées, Florence Parly, indiquait qu’il était « très probable » que la France en rapatrie prochainement de nouveaux.
En revanche, le gouvernement souhaite que les adultes soient jugés sur place, quand bien même il n’existe pour l’heure aucune juridiction à même de le faire au Kurdistan syrien. Cette position empêche le retour de leurs enfants. Car, même si les autorités revendiquent une politique du « cas par cas », dans les faits, le flux des retours s’est tari. Selon le dernier recensement effectué fin avril par le Centre d’analyse du terrorisme (CAT), 210 mineurs français (dont 75 % de moins de 5 ans) se trouveraient actuellement en Syrie, dans des camps insalubres.
La réticence du gouvernement rejoint celle de l’opinion publique. Dans un sondage paru fin février, 67 % des Français indiquaient préférer laisser l’Irak et la Syrie s’occuper des enfants. Bouleversés par la vague terroriste de ces dernières années, les Français ont également sans doute en mémoire les propos alarmistes de François Molins. En janvier 2018, l’ancien procureur de la République de Paris avait comparé les enfants de djihadistes à des « bombes à retardement ».
Dans les faits, la France a pourtant appris à prendre en charge ce public particulier. Car il fut un temps où la frontière entre la Syrie et la Turquie était plus poreuse et les expulsions de familles régulières. Les adultes prenaient alors la direction de la galerie anti-terroriste et les enfants ceux de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Selon le ministère de la Justice, 95 mineurs se trouvent actuellement sur le territoire national après un séjour sur zone irako-syrienne, dont 88 ont fait l’objet d’une procédure en assistance éducative.
Nous avons donc souhaité interroger ces professionnels de la petite enfance impliqués quotidiennement dans leur suivi, notamment en Seine-Saint-Denis, le département le plus concerné « Il est de l’intérêt de la société française que ces enfants se reconstruisent. Ils ne sont pas responsables de l’idéologie imposée par leurs parents », estime Stéphane Troussel, président (PS) du conseil départemental, qui aimerait un investissement de l’Etat plus important pour l’aider à remplir cette « mission d’intérêt général ».
Sur le fond, même s’ils sont conscients de la difficulté du défi à relever à long terme, les acteurs de terrain revendiquent un premier bilan plutôt positif. Et insistent sur un point crucial : ces enfants sont avant tout des victimes.
Prise en charge dès leur descente d’avion
Un matin d’avril au tribunal pour enfants de Bobigny. Un petit garçon et une fillette arrivent dans les bras de deux femmes. La petite prend quelques jouets sur une table, le garçon reste figé en pleurs. Il n’a pas 3 ans. Une juge quitte son bureau pour accueillir les bambins : « Calme-toi, dit-elle en s’accroupissant près du petit. Dans mon bureau, il y a d’autres jouets et puis aujourd’hui, on va voir maman. » Une jeune femme aux longs cheveux bruns se présente dans le couloir. Elle est escortée par deux policiers, mains menottées dans le dos. La porte du bureau se referme, les pleurs ont cessé.