Source : Le Parisien
Par Nicolas Berrod
Le président du Centre d’analyse du terrorisme Jean-Charles Brisard estime que toutes les hypothèses restent ouvertes pour expliquer l’attaque de Trappes revendiquée par Daech et qui a fait deux morts.
Deux morts et un blessé grave : c’est le bilan de l’attaque qui s’est déroulée ce jeudi matin à Trappes (Yvelines). L’individu, un homme de 35 ans qui a été neutralisé par la police après avoir tué sa mère et sa sœur et blessé gravement une passante, souffrait de troubles psychiatriques mais était également suivi par le renseignement territorial pour des faits d’apologie du terrorisme en 2016.
Daech a revendiqué l’attaque quelques dizaines de minutes seulement après les faits mais les enquêteurs restent prudents et étudient aussi l’hypothèse d’un différend familial lié à un héritage. Le parquet national antiterroriste ne s’est d’ailleurs pas saisi de l’affaire pour le moment. Selon le président du Centre d’analyse du terrorisme (CAT) Jean-Charles Brisard, il faut rester prudent sur les motivations réelles de l’assaillant.
Êtes-vous surpris par la rapidité de la revendication ?
JEAN-CHARLES BRISARD. Il n’y a pas de règle et la revendication peut arriver n’importe quand, quelques minutes ou quelques jours voire semaines plus tard. Mais le fait que cela arrive si vite peut être une indication selon laquelle Daech a des éléments qui le lient à l’individu, c’est généralement le cas même s’il faut rester prudent. Par exemple, ça peut être une allégeance ou des contacts déjà établis avec des membres de l’organisation. Soit Daech décide de rendre public directement ces éléments, soit ils le seront par d’autres intermédiaires comme des djihadistes français, soit les éléments n’existent pas et c’est une revendication opportuniste, tout est possible à ce stade.
Y a-t-il eu des précédents de telles revendications opportunistes ?
Jusqu’à présent Daech n’avait le plus souvent rien revendiqué d’opportuniste et il y avait toujours eu un lien entre l’assaillant et l’organisation sous la forme d’un contact physique, d’une allégeance ou d’un lien virtuel plus ténu, ce qui permettait à l’organisation de s’approprier l’action d’un individu. Mais depuis 2017 il y a eu quelques contre-exemples et certaines revendications ont été farfelues ou se sont révélées fausses par la suite. Je pense par exemple à une attaque dans un Casino de Manille en juin 2017revendiquée par Daech sans que l’enquête ne détermine de lien avec l’organisation, tout comme pour l’attaque de Las Vegas en octobre 2017. Et en septembre 2017, le groupe avait annoncé avoir placé des explosifs à Roissy, ce qui était faux et n’avait pas de caractère terroriste.
Le profil psychiatrique de l’individu de Trappes est-il compatible avec celui de terroriste ?
Il faut rester extrêmement prudent, l’enquête ne fait que commencer et l’objectif est d’établir les motivations de l’individu. Son passé psychiatrique et sa condamnation pour apologie du terrorisme sont toutes les deux à prendre à compte. Le différend familial, dont on ne connaît pas encore la nature, et les troubles psychiatriques ne sont pas incompatibles avec des motivations terroristes. Mais à l’inverse, il ne s’agit pas forcément d’un acte terroriste. L’enquête de la téléphonie et des appareils électroniques déterminera s’il y a des éléments qui permettent d’établir tel ou tel mobile mais il n’y a pas d’exclusive dans la matière.
Mercredi, le chef de Daech Abou Bakr al-Baghdadi a appelé à poursuivre « le djihad », cela peut-il expliquer le passage à l’acte de ce jeudi ?
On a déjà vu par le passé que ce type d’appel du porte-parole de Daech ou a fortiori d’al-Baghdadi avait une résonance importante donc on ne peut pas exclure une relation de cause à effet entre ce message et l’action de Trappes. D’autant que l’individu a mis en œuvre un mode opératoire et des armes préconisés par Daech, à savoir une attaque au couteau et avec des moyens rudimentaires.