Source : France Info

Jean-Charles Brisard, le président du centre d’analyse du terrorisme, réagit mercredi sur franceinfo au dernier décompte consolidé de la DGSI des jihadistes français morts en Syrie.

Selon les derniers chiffres dévoilés par la DGSI, 300 Français et binationaux jihadistes sont officiellement morts en Irak ou en Syrie. Au total, les autorités françaises estiment que 1 700 Français ont rejoint la zone irako-syrienne depuis 2014. Mais selon Jean-Charles Brisard, le président du centre d’analyse du terrorisme, interrogé mercredi sur franceinfo, le nombre de départs en Syrie de Français est quasiment nul depuis un an.

franceinfo : Sait-on si des Français partent encore aujourd’hui en Syrie ?

Non, il n’y a quasiment aucun départ observé en tout cas depuis 2017. Il y a des tentatives de départ recensées, notamment vers des groupes proches d’Al-Qaïda mais il n’y a quasiment plus aucun départ depuis près d’un an maintenant. Il y a plusieurs facteurs. D’abord, les services de renseignement français ont une connaissance plus fine du phénomène et des individus. Ensuite, la Turquie a fermé sa frontière avec la Syrie parce qu’elle essaye de créer une zone tampon avec notamment les forces kurdes. Et puis il y a la chute du califat territorial qui fait que c’est beaucoup moins attractif de partir. Tout cela fait qu’on est dans une situation aujourd’hui où il n’y a quasiment plus de départs.

À quoi sert ce décompte des morts français en Irak et en Syrie ?

Il est important, ne serait-ce que pour avoir une évaluation assez précise de la menace sous-jacente. On sait que des Français, des jihadistes qui ont combattu sur les théâtres d’opérations, reviennent aguerris au maniement des armes et des explosifs. C’est la raison pour laquelle ce décompte est important. Il ne s’agit que d’estimations, il y a une incertitude sur le sort de nombreux autres qui ne sont pas recensés, sans compter que certains Français donnés pour morts, très récemment, se sont avérés être encore en vie. Donc il faut être très prudent sur ces estimations.

Est-ce que cela veut dire qu’ils sont tous identifiés ?

Non, pas tous. Ce que l’on sait, c’est que les services de renseignement ont pu confirmer dans certains cas la mort de Français, grâce à des témoins, des proches, des interceptions téléphoniques, ou des messages des organisations terroristes et de leurs soutiens sur les réseaux sociaux ou sur les messageries cryptées. Il faut savoir qu’au-delà des 680 Français sur place, 200 sont toujours actifs en Syrie et en Irak, selon les services de renseignement. Par ailleurs de 100 à 150 sont détenus aujourd’hui par les forces irakiennes ou par d’autres groupes armés en Syrie, notamment par les Kurdes. D’autres encore, plusieurs dizaines, sont dans les zones de repli du groupe État Islamique, à la frontière syro-irakienne. Et puis d’autres encore, dont on ne connaît pas le nombre exact, se sont relocalisés, soit temporairement en Turquie, soit vers d’autres théâtres d’opération, en Afrique, en Afghanistan, ou en Asie du Sud-Est.

Plusieurs centaine d’enfants sont toujours sur place, la France a-t-elle les moyens et même la volonté de les faire revenir ?

Près de 600 enfants sont toujours sur place, selon les services de renseignement. Les autorités françaises sont vigilantes sur leur sort et font en sorte – que ce soit en Irak ou quand ces enfants sont retenus par d’autres autorités en Syrie par exemple – d’assurer leur retour en France, afin qu’ils soient placés dans des familles d’accueil ou dans leur famille d’origine. En tout cas il y a un suivi très précis de ces enfants effectués par les autorités françaises qui sont très vigilantes au sort de ces petits.

Des femmes sont aussi sur place, des femmes jihadistes ou des femmes de jihadiste qui doivent être jugées là-bas, en Syrie. Certains avocats de familles disent que la France les a abandonnées. Est-ce le cas ?

Non, il y a une compétence concurrente sur le plan juridique entre les autorités locales qui ont capturé ces individus et la France. Des individus qui, encore une fois, ont décidé de renier leur nationalité pour aller combattre sur un théâtre d’opérations terroristes et qui ont rejoint des groupes terroristes et qui doivent donc en assumer les conséquences, soit sur place, soit en France. La France également est compétente pour juger ces individus. Je crois que ça se négociera au cas par cas, parce qu’il y a des individus plus importants que d’autres. Je pense notamment à ceux qui ont participé à la planification de certains attentats sur le sol français, particulièrement en 2015. Pour ceux-là, je pense qu’il y a une nécessité à ce que la justice française puisse les rapatrier en France.

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