Source : Sud Radio
Le dernier bastion de l’Etat islamique est tombé. Quelle est la situation sur place, alors que de nombreux djihadistes français sont détenus dans des prisons comme dans des camps ? Gwendoline Idelon, analyste pour le Centre d’Analyse du Terrorisme (CAT), décrit ce qu’elle a vu en se rendant dans le nord de la Syrie.
Dans quel état est le nord-est de la Syrie, cette région contrôlée par les forces kurdes ? Gwendoline Idelon, analyste pour le Centre d’Analyse du Terrorisme (CAT), décrit ce qu’elle a vu en se rendant dans le nord de la Syrie, et ce qu’elle a pu apprendre en rencontrant sur place magistrats, diplomates et chefs militaires. « Nous avons pu rapidement nous rendre compte que l’Etat Islamique n’avait pas disparu du nord-est syrien », explique-t-elle. « Le retour au calme est loin d’être acquis. Depuis mars, on a enregistré près de 400 attaques terroristes dans le nord est syrien. A Raqqa, détruite à plus de 80%, le climat de tension est encore palpable. Les forces kurdes se tiennent en périphérie de la ville, pour éviter les heurts avec la population arabe qui y vit, pour la plupart sympathisant de l’idéologie de l’EI. »
Des enfants endoctrinés
« À Raqqa, on a entendu des enfants scander le slogan de Daesh, raconte Gwendoline Idelon. Dans les camps, nous avons été témoins de nombreuses tentatives d’évasion, de mutinerie, d’enfants qui hissent le drapeau de Daesh, encouragés par leur mère. L’idéologie du mouvement est encore bien présente. » Quid du sort des Français retenus là-bas ? « Malheureusement, on n’a pas pu accéder à ces djihadistes. Les autorités kurdes refusent même de donner le nombre exact de Français détenus dans le nord-est syrien, explique l’analyste du CAT. Nous avons notamment rencontré les deux co-présidents de la cour anti-terroriste, et avons pu par ce biais recueillir des informations sur certains d’entre eux. Notamment l’une des voix de Daesh, Adrien Guihal. « Connu sous le nom d’Abou Oussama al-faransi, ce Français a prêté sa voix aux revendications de plusieurs attaques de Daech, notamment celle de Nice. « Le procès de Nice doit se tenir l’année prochaine, et nous devions recueillir des infos à son sujet si l’on voulait éviter qu’il se transforme en procès de droit commun. »
Répondre de leurs actes en France
Le CAT demande à ce que ces djihadistes reviennent en France pour être jugés. « Nous nous sommes rendus compte sur place de la difficulté qu’ont les Kurdes à organiser la détention et le jugement des combattants étrangers. Ils manquent à peu près de tout, de preuves les concernant, de ressources financières ; ils n’ont pas les fonds nécessaires à ce stade pour créer des prisons pour les femmes. Ils manquent aussi d’expertise juridique. Depuis peu, ils soutiennent le projet d’un tribunal international sur place, mais ce n’est pas possible en l’état. »
« Il est impératif pour nous que ces djihadistes français soient rapatriés parce que l’on pense qu’il n’est pas concevable pour les victimes du terrorisme que des individus potentiellement impliqués dans des attentats en France, et il y en a plusieurs, échappent à la justice de ce pays, souligne Gwendoline Idelon. Ils doivent répondre de leurs actes ici, en France. Il y a un réel risque de fragmentation de la menace. Actuellement, 400 terroristes français sont détenus. C’est autant de revenants sur le territoire national. Mais il y encore 300 djihadistes français qui sont sur le territoire syrien, mais non détenus. D’autres ont réussi à gagner des zones de combat en Afghanistan et en Libye. Ils sont en train de se disperser ; c’est maintenant qu’il faut agir, ou l’on va perdre totalement le contrôle sur ces individus. Et rien ne les empêchera de revenir en France pour perpétrer des attaques. »