Source : la Tribune
Graphique – Le budget pour commettre les attentats de Paris et sa région en janvier et novembre 2015 est estimé respectivement à 26.000 euros et 82.000 euros. Le centre d’analyse du terrorisme vient de publier une étude sur les méthodes utilisées par les terroristes pour financer leurs attaques.
Les auteurs des attentats de 2015 à Paris et Saint-Denis – qui ont fait 147 victimes – n’ont pas eu besoin d’un budget considérable au regard de l’impact au niveau économique, sociétal ou politique de ces attaques. Les auteurs de l’étude soulignent d’ailleurs qu’il a suffi de « quelques dizaines de milliers d’euros […] pour acheter les armes, fabriquer les explosifs, louer les appartements conspiratifs et les véhicules. »
Les différents postes de dépenses
Le centre d’analyse du terrorisme présidé par Jean-Charles Brisard a décomposé le budget des cellules terroristes en six postes de dépenses (l’armement, les logements conspiratifs, les véhicules, la téléphonie, les faux-papiers et les déplacements).
- Pour les attentats de janvier 2015 : les évaluations proposées par les chercheurs mettent en avant le poids des armes dans le budget (plus de 80%) avec plus de 21.000 euros d’armement en tout. L’arsenal d’Amédy Coulibaly, auteur de l’attaque de l’hyper cacher, a été estimé à 10.000 euros et celui des frères Kouachi, auteurs de l’attaque contre Charlie Hebdo à 9.400 euros. Le reste comprend des équipements comme des talkies-walkies, des gilets pare-balles.
- Pour les attentats de novembre 2015 : le premier poste budgétaire correspond aux déplacements et aux logements. Pour les déplacements, la majorité des terroristes ont été envoyés par l’Etat islamique en France et en Belgique depuis la Syrie. L’organisation a financé les voyages à hauteur de 2.000 dollars (1.780 euros environ). Ce qui au total représente près de 27.000 euros. La location d’au moins huit logements est estimé à 20.000 euros.
Les terroristes du 13 novembre ont également loué onze véhicules pour un montant total de 11.000 euros. Trois des véhicules ont été utilisés pour commettre les attentats et les autres ont servi à récupérer les membres du groupe terroriste à leur arrivée en Europe.
Des modes de financement bien distincts
Au delà des postes budgétaires, le CAT a voulu mettre en avant les sources de financement et les moyens de paiement souvent légaux utilisés par les terroristes.
Les terroristes de janvier ont privilégié l’autofinancement. Amédy Coulibaly et les frères Kouachi ont réuni une grande partie des sommes nécessaires pour commettre leurs actes par des fraudes aux crédits à la consommation. Amédy Coulibaly et sa compagne Hayat Boumedienne ont par exemple souscrit à trois crédits à la consommation pour un total de 60.200 euros. Ils ont réussi à obtenir ces crédits par de faux bulletins de paie et avis d’imposition pour leur permettre de prouver une solvabilité suffisante. Ils ont également utilisé les voies du commerce illicite. Chérif Kouachi a par exemple tiré profit de la vente de vêtements et de chaussures de marque importés de Chine et les a revendus en grande quantité sur un site de commerce en ligne.
Du côté des attentats du 13 novembre, leurs auteurs ont bénéficié de l’appui de l’Etat islamique. Chacun des membres auraient reçu des sommes allant de 2.000 à 3.000 euros sous forme d’espèces à leur départ en Syrie mais également par le biais des transferts de fonds.
Par ailleurs, les terroristes ont utilisé des services de transfert d’argent et des cartes bancaires prépayées pour effectuer leur transaction. Mais il apparaît que les terroristes de janvier et de novembre ont fait la majorité de leurs dépenses en espèce.
Des efforts à poursuivre
Si le gouvernement français a tenté de faire des efforts pour lutter contre le financement du terrorisme, il s’avère que les mesures prises en 2015 s’avèrent insuffisantes aux yeux du centre d’analyse du terrorisme. C’est pourquoi le CAT assure que « seule une harmonisation au niveau européen des mesures adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme s’avèrera véritablement efficace. » Le centre recommande également d’opérer un meilleur échange d’informations entre les services de renseignement nationaux en raison de la nature transnationale du terrorisme. En effet, les auteurs rappellent le fait que les gendarmes avaient contrôlé Salah Abdeslam le 14 novembre sans savoir qu’il avait été fiché pour sa radicalisation en Belgique et que son nom figurait dans plusieurs enquêtes sur les filières djihadistes.
Publié le 18 octobre 2016
Grégoire Normand
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