Source : les Echos
L’efficacité des services secrets britanniques et l’isolement géographique du pays ont longtemps compliqué les projets d’attaques de l’Etat islamique.
La Grande-Bretagne a de nouveau été frappée par un attentat, le plus meurtrier depuis douze ans. Vingt-deux personnes ont été tuées et 59 blessées à la sortie d’un concert pop à Manchester, deux mois jour pour jour après l’attaque de Westminster , qui avait déjà fait cinq morts, le 22 mars dernier.
Au même titre que la France, l’Angleterre est un “pays ciblé à plus d’un titre” par les djihadistes du groupe Etat islamique, rappelle Jean-Charles Brisard, président du centre d’analyse du terrorisme (CAT) . “L’Angleterre participe depuis le premier jour à la coalition internationale” qui bombarde l’organisation terroriste, souligne-t-il.
De nombreux Britanniques dans les rangs de l’EI
De plus, Daech compte “dans son administration, dans sa structure” de nombreux djihadistes britanniques. Même si la France reste le pays européen le plus représenté dans les rangs de l’EI, suivie de l’Allemagne, 57 de ses recrues étaient originaires du Royaume-Uni, d’après les “Daech Leaks” révélés en avril 2016 . Un chiffre très sous-estimé. Les Britanniques parlent d’environ 600 départs, un peu moins qu’en France, où l’on recense plus de 700 Français partis combattre auprès de Daech, dont près de 250 seraient morts.
Mais malgré les appels répétés du groupe Etat islamique et des djihadistes britanniques à frapper la Grande-Bretagne par tous les moyens, “ils n’y étaient pas parvenus jusqu’à l’attaque de Westminster”, note Jean-Charles Brisard. La raison de ces difficultés : les services de renseignement britanniques, “considérés comme très efficaces et organisés pour faire face à ce genre de menaces”.
“Les services britanniques peuvent compter sur une pratique ancienne qui remonte à l’IRA (Armée républicaine irlandaise) ainsi que sur une grande coordination entre leurs services, de manière permanente et systématique”, explique l’expert en terrorisme. Territoire insulaire, la Grande-Bretagne tire également parti de son isolement géographique. “On n’est pas sur le territoire de l’Europe occidentale. En France, certains terroristes ont pu rentrer avec de faux papiers”, pointe Jean-Charles Brisard.
13 attentats déjoués depuis juin 2013
L’Angleterre reste pour cela une cible difficile à atteindre pour les djihadistes. “J’en veux pour preuve que le commando du 13 novembre avait d’abord fait des repérages à Birmingham. C’était une des cibles envisagées”, met en avant Jean-Charles Brisard, tout en rappelant que depuis juin 2013, les services de sécurité britanniques ont “déjoué treize tentatives d’attentat terroriste depuis juin 2013”.
Malgré tout, “aucun service de renseignement au monde n’est infaillible”. Un réseau organisé est-il parvenu à organiser cette attaque sanglante à Manchester, revendiquée par l’Etat islamique, ou est-ce le fait d’un individu isolé ? L’enquête en cours devra répondre à ces questions. “S’il s’agit de ceintures d’explosifs, cela nécessite une expertise particulière car l’explosif TATP reste un produit très instable”, avance l’expert.
La Grande-Bretagne plusieurs fois visée par des attentats depuis 2005
– Juillet 2005 : quatre attentats suicide coordonnés à l’heure de pointe dans trois rames de métro et un bus londonien font 56 morts, dont les quatre kamikazes, et 700 blessés.
– Juin 2007 : une voiture-bélier remplie de bouteilles de gaz est précipitée contre le principal terminal de l’aéroport de Glasgow, sans exploser.
– Mai 2013 : deux Londoniens d’origine nigériane renversent en voiture un soldat de 25 ans, Lee Rigby, à Londres, avant de le frapper de nombreux coups de couteau et de tenter de le décapiter.
– Décembre 2015 : Muhaydin Mire, né en Somalie, blesse au couteau deux personnes, dont une grièvement, à l’entrée de la station de métro de Leytonstone, à Londres.
– Mars 2017 : Khalid Masood, citoyen britannique, fonce dans la foule avec son véhicule sur le pont de Westminster, avant de poignarder mortellement un policier devant le Parlement. L’attaque a fait cinq morts.
Leila Marchand, le 23 mai 2017
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