Source : Marianne
Dans une étude révélée par le “JDD”, le Centre d’analyse du terrorisme décortique les coûts et les modes de financements des attentats islamistes perpétrés en France en 2015 et 2016. Des préparatifs relativement peu onéreux, facilités par des outils financiers et de communication accessibles au grand public et des dispositifs d’alerte inexistants.
L’approche peut surprendre, mais elle met en lumière un aspect oublié des attentats qui ont ensanglanté la France en 2015 et 2016 : combien ont coûté les équipées morbides des terroristes à Paris et en Île-de-France ? Et comment ces derniers ont financés leurs projets ?C’est l’objet d’une étude du Centre d’analyse du terrorisme (CAT) relayée par le JDD. Où l’on apprend dans le détail le coût de chaque attaque. Et les moyens terriblement simples pour se procurer cet argent.
À la manière d’un bilan comptable, le CAT détaille chaque poste de dépense et la source de leurs financements : armes, logements, téléphones, déplacements, faux-papiers, etc. Les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015 auraient ainsi coûté 25 800 euros aux terroristes, dont 21 000 euros consacrés aux armes, entre fusils d’assaut, lance-roquette ou pistolets-mitrailleurs. Pour régler la note, on savait déjà que les frères Kouachi et Amedy Coulibaly avaient contracté une multitude de crédits à la consommation, aidés par le laxisme coupable des ces organismes, peu regardant sur le nombre de crédits souscrits par leurs clients. Mais le CAT, dont l’ex-juge antiterroriste Marc Trévidic est membre du comité d’honneur, lève le voile sur une autre source de financement : “Un commerce illicite de vêtements et chaussures made in China”.
Les attentats de novembre au Bataclan et aux terrasses parisiennes ont fait appel à des financements d’un autre genre. L’obole de Daech en Syrie – 2000 à 3000 euros par terroriste, selon les chercheurs – a été complétée par les revenus tirés du bar de Molenbeek des frères Abdeslam (exploitation et vente) mais aussi grâce à… de simples collectes, menées auprès de “sympathisants” en Grande-Bretagne (3800 euros) et en France (4000 euros). Dans ce dernier cas, c’est la cousine d’Abaaoud qui s’est chargée de la quête. In fine, le CAT obtient un coût total de 82 000 euros pour ces attentats, dont 27 000 euros pour les déplacements des futurs terroristes à travers l’Europe. Les logements en Belgique et en banlieue parisienne ont coûté 20 000 euros, l’armement 16 000 euros, les onze véhicules loués 11 000 euros, etc.
À travers son enquête, le Centre d’analyse du terrorisme a également voulu démontrer combien les terroristes s’appuient sur des outils existants, à disposition de tous : carte bancaire et carte SIM prépayées, messageries électroniques chiffrées, autant de moyens légaux et parfois gratuits pour oeuvrer dans l’anonymat le plus complet. Le CAT préconise l’instauration d’un “registre central des prêts à la consommation accessible à Tracfin” avec mise en place d’une “grille d’alerte” pour “identifier les retraits suspects”. Mesure d’une désarmante évidence manifestement encore virtuelle.
L’étude met également en lumière d’autres dysfonctionnements. Ainsi, un fiché S qui retire tout le liquide de ses comptes bancaires, comme l’on fait la plupart des terroristes passant à l’acte, n’est aujourd’hui signalé nulle part. “Le dispositif de la loi du 3 juin 2016 permettant à Tracfin de signaler aux établissements bancaires ou de crédit les personnes présentant un risque important de financement du terrorisme (et donc potentiellement des fichés S) n’est pas encore applicable, explique au JDD Jean-Charles Brisard, le président du CAT. Un décret en Conseil d’État pour son application est prévu pour ce mois-ci”.
Ce type de mesure reste néanmoins inopérant face à des individus passés sous tous les radars des services de renseignement, comme le chauffeur fou de la promenade des Anglais, Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Son sordide forfait ayant coûté la vie à 86 personnes le 14 juillet 2016 aurait coûté la somme dérisoire de 2 500 euros.
Xavier Frison
Dimanche 16 octobre, 16.07
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