Source : JDD

Par Michaël Bloch

Marine Le Pen, Laurent Wauquiez ou Nicolas Dupont-Aignan ont appelé le gouvernement français à ne pas rapatrier les djihadistes français actuellement en Syrie. Pour les spécialistes du sujet, cela semble pourtant la moins mauvaise des solutions.

Plusieurs dizaines de djihadistes français pourraient bientôt rentrer en France.
Plusieurs dizaines de djihadistes français pourraient bientôt rentrer en France. (Sipa)

C’est un véritable casse-tête pour le gouvernement français. Que faire des djihadistes français détenus en Syrie? Le sujet est d’autant plus d’actualité que les Etats-Unis ont appelé lundi les pays de la coalition à rapatrier leurs djihadistes emprisonnés dans le pays. Les combattants arabo-kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) ont fait prisonniers des centaines de terroristes étrangers venus de dizaines de pays. Or, dans le cadre du retrait prévu des Etats-Unis de Syrie, le risque est de voir les détenus échapper au « contrôle » des Kurdes et de « fuir du nord-est de la Syrie vers des zones du monde plus permissives d’où ils pourraient poursuivre le combat », met en garde un haut responsable américain.

Plus de 100 Français détenus en Syrie

Actuellement, environ 130 Français sont actuellement détenus par les Kurdes en Syrie. Parmi eux, une quinzaine a déjà été transférée en Irak. Sur les 115 personnes restantes, on dénombre entre 70 et 80 enfants. Les 40 autres Français pourraient être judiciarisés à leur retour dans le pays. Une telle solution fait pourtant hurler la droite et l’extrême-droite. « Les djihadistes ne doivent pas revenir en France », a ainsi estimé dimanche le président du parti de droite Les Républicains, Laurent Wauquiez.

« Envisager leur retour est une décision que je considère comme criminelle à l’égard de la sécurité de nos compatriotes », a de son côté affirmé la dirigeante du Rassemblement National Marine Le Pen. « La place des islamistes est aux Kerguelen! [Une île française au milieu de l’océan indien] Pourtant Castaner veut importer 130 bombes à retardement de Syrie », a tweeté le 29 janvier Nicolas Dupont-Aignan.

Plusieurs spécialistes reconnus du terrorisme estiment pourtant que le retour en France de ces djihadistes est la moins mauvaise des solutions. Et ce pour plusieurs raisons :

  • On ne sait pas ce que vont devenir ces djihadistes en Syrie. « Aucune personne censée n’a l’intention de faire revenir les djihadistes français pour en faire des repentis ou assurer leur réinsertion. Il s’agit de les traduire en justice et de les mettre hors d’état de nuire, ce qu’aucun acteur du conflit ne peut nous garantir en Syrie », avance sur Twitter Jean-Charles Brisard, président du centre d’analyse du terrorisme. Celui-ci rappelle d’ailleurs que des peines très lourdes ont été prononcées aux assises en France contre les djihadistes qui ont rejoint l’Etat islamique en Syrie

  • Il y a vrai risque de fuite. Comme le rappelle le journaliste Wassim Nasr, les prisons syriennes et irakiennes sont loin d’être sûres. « Il y a déjà des précédents comme le djihadiste Peter Cherif qui a été arrêté récemment à Djibouti après s’être évadé d’une prison irakienne il y a quelques années », note le journaliste de France 24, interrogé par C dans l’air. « Les fuites des prisons en Syrie et en Irak sont très courants », affirme-t-il.
  • Le président syrien Bachar El-Assad pourrait tout à fait utiliser ces djihadistes pour se venger de la France. Le chercheur et consultant sur les questions islamistes Romain Caillet explique ainsi que le chef d’Etat syrien pourrait utiliser ces djihadistes pour faire pression sur le gouvernement français : Bachar el-Assad pourrait, par exemple « les amener à la télévision pour valider des théories complotistes sur un prétendu soutien de la France au terrorisme. Le but sera bien entendu de contribuer à agrandir le clivage français entre une opinion publique de plus en plus complotiste et un gouvernement que Bachar souhaitera fragiliser sur la scène internationale avec ce genre d’accusations délirantes », estime le chercheur. »Les services d’Assad pourraient aussi revenir à leurs fondamentaux, libérer les djihadistes lorsqu’ils y trouvent un intérêt contre leurs adversaires. Plusieurs exemples existent : regardez au Liban avec Fath al-Islam, dont de nombreux membres venaient des prisons syriennes », rappelle-t-il.