Source : Public Sénat

Par Laure-Anne Elkabbach

 

Trois ans après les attaques du 13 novembre, qu’en est-il de la menace terroriste en France ?

Jean-Charles Brisard, président du centre d’analyse du terrorisme, répond à cette question, sur le plateau d’ « On va plus loin » : « La capacité opérationnelle (…), celle qui consisterait à frapper Paris, comme cela a été le cas en 2015 ou Bruxelles en 2016, est moins probable aujourd’hui mais elle est toujours possible (…) L’État islamique n’est pas décimé (…) Au-delà du territoire lui-même, Daech survit par son idéologie, qui est ancrée malheureusement sans doute durablement, dans notre pays. »

Eric Delbecque, expert en sécurité intérieure, renchérit : « Cette capacité de nuisance est à la fois à  l’extérieur de nos frontières [et] à intérieur. Et ses modèles sont multiples. Donc il faut ajouter les menaces, il ne faut pas essayer d’en retrancher (…) En revanche, nos services de sécurité sont extrêmement vigilants. On fait toujours leur procès mais finalement ça ne marche pas si mal. Les attentats déjoués, c’est tout à fait réel. Donc on ne peut pas dire que le niveau de menace a monté ou baissé. On a un niveau de menace élevé. »

Pour François Grosdidier, sénateur (LR) de la Moselle, « la menace est absolument polymorphe » et « vient de partout » : « Pas que des réseaux organisés (…) Dans ma propre commune, (…) qui ont failli verser dans le terrorisme ? Ce n’était (…) pas des religieux dans un territoire perdu (…), c’était même tout le contraire. C’était soit des délinquants déjà de longue date, un peu abîmés cérébralement par les addictions (…) ou alors des ados, qui n’avaient jamais eu de problème, ni dans la rue, ni à l’école, et qui sur internet, se sont faits happés complètement (…) Donc, c’est très difficile de lutter contre ça. »

« Le ressentiment qui nourrit leur désir de tuer et de mourir, est toujours vivant »

François-Bernard Huyghe, directeur de recherches à l’IRIS : « On voit que sporadiquement il y a des individus – pas tout à fait des « loups solitaires » mais des gens qui passent seuls à l’action – qui font des choses de faible ampleur (…) ils prennent un couteau et ils tuent une ou deux personnes (…) Ça, apparemment, ça va rester, parce que le ressentiment qui nourrit leur désir de tuer et de mourir, est toujours vivant. »

Jean-Charles Brisard est d’accord avec le procureur de la République de Paris François Molins, quand ce dernier affirme qu’un des enjeux des prochaines années sera le suivi des personnes condamnées, qui ont purgé leur peine et qui sortiront de prison : «  C’est l’un des enjeux effectivement. Beaucoup plus que les retours (…) Il y a à peu près 150 individus qui, d’ici la fin 2020, bien que condamnés pour leur participation au djihad en Syrie et en Irak (ou comme soutien, ou comme revenant), auront purgé leur peine. En plus de ces 150,  il y a aussi 1 700 détenus de droit commun qui se sont radicalisés (…) On n’a pas pris suffisamment les devants, il me semble. Il n’y a pas de dispositif spécifique prévu (…) Évidemment, ils seront suivis par les services de renseignement mais cela ne suffira pas. On le sait. »