Source : RTL

 

ÉCLAIRAGE – L’assassinat du père Hamel le 26 juillet 2016 a été téléguidé depuis les territoires conquis par Daesh. L’enquête des services de renseignements a permis d’acquérir de meilleures connaissances et empêcher des attentats.

Ils ne s’étaient jamais rencontrés avant. Pourtant, le 26 juillet 2016, Abdel Malik Nabil-Petitjean et Adel Kermiche commettent l’irréparable ensemble. Vers 9 heures du matin, les deux jeunes d’à peine 20 ans entrent dans la petite église de Saint-Étienne-du-Rouvray pour y semer la terreur. Ils prennent les fidèles de la paroisse en otage avant d’égorger le père Jacques Hamel, qui était en train de célébrer la messe.

Les deux jihadistes se sont donc retrouvés, sans même se connaître. C’est via l’application Telegram qu’ils ont formé leur équipe mortelle. Les détails de leur conversation ont été publiés par L’Express et montrent bien que tout a été organisé à distance, comme le préconisait Rachid Kassimtué depuis par la coalition internationale lors d’une frappe en Irak.

Il est bien connu des services de renseignement. Son nom apparaît dans plusieurs dossiers sur le terrorisme, notamment lors de tentatives d’attentats comme l’attentat échoué de Notre-Dame-de-Paris aux bonbonnes de gaz. Il incitait les jeunes français à frapper sur leur propre territoire et les téléguidait depuis l’étranger.

Des progrès importants dans le renseignement

Abdel Malik Nabil-Petitjean et Adel Kermiche ont répondu à l’appel. Et avec leur acte, ils ont remis sur le devant de la scène le problème de l’influence de Daesh sur les réseaux sociaux. D’après Jean-Charles Brisard, « on a acquis de meilleures connaissances dans la manière dont Daesh fonctionnait, notamment quant au terrorisme téléguidé », depuis l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray.

Contacté par RTL.fr, le président du Centre d’Analyse du Terrorisme assure que « pas moins de 9 attentats téléguidés ont été déjoués » depuis l’été dernier grâce à ces efforts mis sur le renseignement. Les services de renseignement sont même capables de repérer le danger « avant le stade de projet grâce à leur capacité d’identification, leur veille et des moyens que l’on avait pas avant ».

Les réseaux sociaux ont aidé à ces repérages. D’après Achraf Ben Brahim, auteur de l’ouvrage L’Emprise, enquête au cœur de la jihadosphère, une chaîne Telegram qui prône le jihad n’a plus qu' »une semaine » de vie aujourd’hui contre « un ou deux ans avant ». Selon lui, les services de renseignement pourraient être en lien avec ces applications pour leur demander de fermer des comptes. « Des mesures ont été prises sur un certain nombre de plateformes », confirme Jean-Charles Brisard.

Le recul de Daesh sur le terrain se traduit sur les réseaux

Daesh recule aussi en terme de recrutement mais ce n’est pas nécessairement lié à la lutte engagée côté Occident. Pour l’expert en terrorisme, « l’État islamique n’appelle plus à le rejoindre depuis 2016 après un changement de tactique qui se traduit par le fait de frapper le territoire national ». 

Une thèse que valide l’auteur de l’enquête sur la jihadosphère : « Daesh n’est plus dans la logique de faire venir. le paradigme a changé, les vidéos sont réalisées davantage pour encourager à frapper sur place ».

Et les réseaux sociaux sont moins une priorité. Daesh subit de lourdes défaites en Irak et en Syrie avec les reprises imminentes de ses fiefs de Mossoul et bientôt Raqqa. « La disparition (relative) numérique de Daesh reflète l’état dans lequel ils sont sur place », explique ainsi Achraf Ben Brahim.

Comment aller plus loin ?

Daesh est moins fort. Sur le terrain comme sur les réseaux. Mais il n’est pas moins fort idéologiquement. D’ailleurs, si les comptes encore actifs sur les réseaux courants comme Facebook ou Twitter restent « marginaux » selon Achraf Ben Brahim, d’autres sont toujours actifs. Jean-Charles Brisard évoque donc Telegram, mais aussi Baaz, un nouveau réseau social à télécharger sous forme d’application, qui est un autre « outil opérationnel pour les terroristes, aux côtés des plateformes traditionnelles ».

« Il faut poursuivre l’effort et la pression sur les messageries pour qu’elles n’accueillent plus de propagande », estime enfin le président du Centre d’Analyse du Terrorisme. D’autant que, comme le rappelle Achraf Ben Brahim, « les chaînes en arabe n’ont aucun mal à prospérer », tout comme les chaînes de Hayat Tahrir al Sham (émanation d’al-Qaïda) ou encore de la katiba d’Omar Omsen, « dont les comptes sont modérément censurés mais qui perdurent ».

La lutte n’est donc pas finie. « Les réseaux sociaux sont un moyen mais il y a un message derrière. Ce n’est pas une finalité », rappelle-t-il encore. Alors si la contre-attaque sur internet est efficace, il faut garder en tête que l’idéologie reste présente. La lutte contre le terrorisme ne peut pas se confiner à son combat sur les réseaux sociaux.

Par Cécile de Sèze

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