Source : RTL

ÉCLAIRAGE – Le Centre d’analyse du terrorisme a publié son rapport sur le financement des attentats perpétrés à Paris et Saint-Denis en janvier et novembre 2015.

Presque un an après l’horreur qui a traversé la capitale le vendredi 13 novembre 2015, un rapport nous apprend comment les responsables de la plus importante tuerie depuis la Seconde Guerre mondiale sur le sol français l’ont financée. Le Centre d’analyse du terrorisme (CAT) a publié un rapport sur le financement des attentats perpétrés en Île-de-France en janvier et novembre 2015. 

Un document qui revient à la fois sur le budget des terroristes, comment ils ont acquis l’argent et quelle somme a servi à quoi. Il détaille également des résolutions recommandées pour modifier certaines lois et mieux combattre de futures attaques. Le document pointe notamment l’anonymat garanti dans de nombreuses situations et qui ne permettrait pas de mener une véritable politique efficace en matière de lutte contre le terrorisme.

108.000 euros de budget total pour les attentats de janvier et novembre

D’après Le Financement des attentats de Paris, les attentats de Charlie Hebdo et de L’Hyper Cacher de Vincennes ont coûté 26.000 euros à leurs auteurs, contre 82.000 euros pour ceux du 13 novembre. Le rapport détaille ce à quoi a servi tout cet argent. Ainsi, il se divise pour chacun des actes meurtriers en six différentes utilités : “l’armement, les logements conspiratifs, les véhicules, les faux-papiers et les déplacements“.

Dans le détail, on apprend par exemple que le coût de l’armement des terroristes du 13 novembre est inférieur à celui utilisé en janvier par Amédy Coulibaly et les frères Kouachi. Le premier avait un arsenal d’une valeur de 10.000 euros pour lui seul, quand les assassins des journalistes deCharlie Hebdo avaient des armes d’une valeur de 9.400 euros. Les membres du commando des terrasses et du Bataclan fin 2015 disposaient eux d’un armement d’une valeur totale de 16.000 euros, alors qu’ils étaient bien plus nombreux. Le document n’indique pas les raisons d’une telle différence, si ce n’est la provenance étrangère des AK-K7.

En revanche, la logistique des attentats à Paris et Saint-Denis ont requis des sommes importantes. 20.000 euros environ pour les différents logements, 11.000 pour les onze véhicules utilisés, 3.000 euros en téléphonie, 5.000 euros de faux papiers et 27.000 euros pour les déplacements (notamment les départs de Syrie vers l’Europe).

Diverses méthodes de financements

Dans ce rapport du CAT, les différents tuyaux de financements des attentats sont exposés. Des manières très différentes entre janvier et novembre. En janvier, les terroristes se sont auto-financés, tandis que ceux de novembre ont profité d’un réel soutien monétaire de l’Organisation État Islamique (OEI), qui a revendiqué les attentats. Pour les premiers donc, ils ont mis en oeuvre plusieurs techniques afin de réunir un budget suffisamment conséquent.

Selon le Centre d’analyse du terrorisme, Amédy Coulibaly et les frères Kouachi ont mis en place des systèmes de fraudes au crédit à la consommation (jusqu’à 34.000 euros pour le preneur d’otages de l’Hyper Cacher), mais aussi du commerce illicite, de vêtements de marque pour les frères Kouachi ou encore des “fonds propres”.

En revanche, pour les commandos de novembre, dont les attaques ont été préparées depuis la Syrie, l’OEI a largement participé de sa poche. “Ces montants varient entre 2.000 à 3.000 euros par personne“, précise le document. Cet argent serait distribué sous forme d’espèces au départ de Syrie ou via des transferts de fonds.

Le problème de l’anonymat pointé à plusieurs niveaux

Le CAT pointe ainsi de multiples failles dans notre système qui permettent aux terroristes de préparer de manière quasi sereine leurs ambitions funestes. À commencer par l’anonymat dans l’achat de cartes bleues prépayées, et le fait “qu’aucun document attestant de identité n’est demandé”. Des CB activés de plus anonymement par SMS. Des SMS envoyés et reçus sur un téléphone avec une SIM prépayée. C’est justement l’une des directives qui ressort d’un des numéros du magazine officiel de l’organisation terroriste basée en Syrie et en Irak, citée dans le rapport : “Vous devez impérativement avoir des téléphones achetés par exemple au bureau de tabac, débloqués, vous pouvez aussi avoir des cartes SIM dans n’importe quel taxiphone, et ensuite activer les cartes en question avec des fausses informations”.

Autres soucis : les applications qui permettent aux terroristes en devenir d’échanger entre eux sans aucun contrôle. Ce n’est pas la première fois que des outils comme Telegram sont d’ailleurs pointés du doigt. Ils permettent en effet une protection totale à leurs utilisateurs. “L’application Telegram a permis aux membres non-européens du commando du 13 novembre de rester en contact avec leur commanditaire Abou Ahmad”, illustre le rapport.

À ces lacunes sécuritaires, le rapport répond en donnant de nombreuses pistes pour les combler. Notamment le fait de “s’inspirer de la Belgique et de l’Allemagne” sur l’interdiction de “l’anonymat pour l’achat des cartes SIM”. Car, comme dit le rapport, “les mesures prises dans un État (…) n’auront peu d’effet si elles ne sont pas adoptées par l’ensemble des autres État”. Et de prôner “une véritable politique d’échange d’informations entre les services de renseignement”.

Cécile de Sèze

Publié le 19 octobre 2016

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